Élections européennes, Pourquoi les Bretons boudent les urnes ?

 Editorial de Thierry Jigourel

    Les élections européennes devraient être un des scrutins majeurs de la vie politique des Français et des Bretons. Il n’en est rien. On serait tenté d’ajouter « hélas », tant les espoirs de paix, de démocratie et de bien-être se sont cristallisés sur cette structure politique imaginée quasiment aux lendemains d’une guerre qui avait occasionné la mort de quelques 60 millions de personnes.

    Hélas, force est de constater que ces élections, qui se dérouleront le 26 mai, ne mobilisent guère. Le pire pour nous est que les Bretons, après avoir été les «bons élèves» de la citoyenneté européenne en gestation, se retrouvent à présent parmi les plus mauvais. «Cette campagne vous rase », titrait le quotidien Le Télégramme le 25 avril dernier. En effet, dans la population hexagonale, les Bretons, jusqu’ici les plus intéressés par les élections régionales et européennes, sont, avec les habitants de la nouvelle région technocratique des Hauts de France, ceux qui annoncent leur intention de bouder le plus majoritairement les urnes. Inquiétant pour ceux qui ont toujours rêvé d’une Europe politique plus démocratique, à la fois plus unie et plus respectueuse des identités et des diversités, selon sa très belle devise. Inquiétant pour ceux qui pensent qu’une Europe plus forte constituerait un antidote à la guerre et un meilleur rempart contre le vieil impérialisme américain et l’émergence d’un Empire du Milieu aux dents bien acérées.

    Alors, que se passe-t-il dans la tête des électeurs pour qu’ils se mettent à bouder les urnes avec autant d’obstination ? Sans doute «le fait que le Parlement européen voie beaucoup de décisions lui échapper, même si ses pouvoirs se sont accrus avec le temps», n’est-il pas étranger à cette lassitude. Le manque de lisibilité du rôle et des actions des institutions européennes pèse aussi bien évidemment dans l’attitude récente des Bretons. Le comportement rigide et dogmatique de certains hauts responsables de l’U-E, comme Jean-Claude Junker, citoyen d’un paradis fiscal de 2 586 km2 (un treizième du territoire catalan, un quatorzième de celui de la Bretagne) et de 613 000 habitants (un peu plus d’un treizième de la population de la Généralité de Catalogne et environ un septième de la population de la Bretagne historique), claquant la porte au nez des Catalans coupables, à ses yeux, d’en référer aux urnes quant à leur autodétermination, a joué sans doute aussi le rôle d’un repoussoir face à des institutions dont les Bretons ont toujours attendu qu’elles constituent un garant contre les tendances autoritaires des Etats. Pas sûr en revanche, comme l’estime notre confrère de la presse quotidienne régionale que le choix d’une «circonscription nationale au lieu des huit entités régionales» découpées en 2014 soit de mesure à motiver davantage les Bretons. Ce serait peut-être même le contraire. Car lors de la dernière consultation européenne, un semblant de «régionalisation» était encore respecté. Les divers mouvements centrifuges, du régionalisme bon teint à l’indépendantisme, avaient pu participer à la vie démocratique. Le Parti Breton, allié à Breizh-Europa et au MBP de Christian Troadec, avait été en mesure de monter une liste unie. Et malgré la concurrence de l’Udb et des indépendantistes de gauche de Breizhistance alliés au Npa, l’alliance des trois formations bretonnes avait dépassé 3 % des suffrages, ce qui lui permit de se faire rembourser ses frais de campagne. Avec 84 000 voix et une moyenne d’environ 7 % sur la région Bretagne, la liste Nous te ferons Europe ! comptait dans le paysage politique breton.

La recentralisation du mode de scrutin, la constitution, par les états-majors parisiens, de listes dites «nationales», ne sont-elles pas de nature à accroître la défiance et la distance des électeurs face à un système dans lequel ils se reconnaissent de moins en moins ? La Belgique et le Royaume-Uni, pour ne citer qu’eux, ont adopté pour les élections européennes des modes de scrutins régionaux. L’Ecosse, le pays de Galles et les six comtés de l’Ulster sous administration britannique, constituant des circonscriptions à part entière, ont été en mesure d’envoyer au Parlement européen un député Plaid Cymru, un député Sinn Fein et deux SNP. Quel sera l’avenir des cousins Ecossais, Gallois et Irlandais dans le cadre d’un Brexit dur et d’une Union Européenne tentée cette fois de favoriser leurs tendances indépendantistes - à l’inverse de celles des Catalans pourtant aussi légitimes- pour « punir » les Britanniques coupables à leurs yeux de quitter l’UE ? Il est permis en tout cas de penser que des circonscriptions régionales et européennes respectant le vœu des Bretons d’une réunification et d’une Bretagne à cinq départements, seraient de nature à les rapprocher des urnes et d’un système politique dans lequel ils se reconnaissent de moins en moins. Ce serait sans aucun doute un pas vers l’avènement de l’Europe aux Cent drapeaux, cette Europe des Régions que nombre de Bretons appellent de leurs vœux.



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