Evit Breizh dizalc’h en Europa ar pobloù
Pour une Bretagne libre dans l’Europe des peuples
Par Thierry Jigourel
Le 13 février dernier, devant seulement quelques dizaines de ses collègues dont sept Bretons, Paul Molac, député du Morbihan, membre du groupe Libertés et Territoires auquel appartiennent aussi les trois députés nationalistes corses, a défendu un projet de loi visant à mieux préserver les langues minorisées. Une avancée réelle dans le dernier pays centralisé d’Europe. Ce qui n’a pas empêché Michel Blanquer, ministre de l’éducation de décocher le coup de pied de l’âne à Paul, accusé de mener un «combat d’arrière-garde». En France, le ridicule ne tue pas. C’est bien dommage.
Depuis la loi Deixonne de 1951, au pays des Droits de l’Homme, aucune loi relative aux langues dites « régionales » n’a été votée. Pire, la France est l‘un des rares États de l’Union Européenne à persister dans son refus surréaliste de ratifier la charte européenne des langues régionales. On peut regretter d’ailleurs que l’Union Européenne, si prompte à monter au créneau et à vilipender certains États contrevenant à ses recommandations, n’envisage aucune sanction contre ses membres coupables de violations répétées et évidentes des Droits de l’Homme.
Mais, ceux qui sont attachés à la défense de la démocratie auront un motif de se réjouir, de manière bien modérée cependant. Après des dizaines de tentatives infructueuses depuis la fin du XIXème siècle et le début de leur République, une seconde proposition de loi - après la loi Deixonne donc- a été validée par l’Assemblée Nationale. Portée par notre compatriote Paul Molac, membre fondateur du groupe parlementaire Libertés et Territoires, qui comprend aussi les trois députés nationalistes corses, cette proposition représente des avancées certaines pour des langues fragilisées par le rouleau compresseur du négationnisme jacobin.
Ce projet de loi prévoit notamment que les langues dites régionales soient exclues de la loi Toubon, votée en 1992, soit disant pour protéger le français de l’hégémonie de l’anglais, mais qui a été utilisée de nombreuses fois par l’État français contre le breton, le corse ou le catalan. Elle valide la possibilité d’utiliser des signes diacritiques dans les prénoms «régionaux», comme dans l’affaire du petit Fañch qui a ému et scandalisé les Bretons. Elle sécurise la signalétique bilingue et rétablit dans le code du patrimoine la reconnaissance de l’existence d’un patrimoine linguistique diversifié. C’est peu au regard de ce qui se fait dans les pays démocratiques. C’est beaucoup dans un État où l’abbé Grégoire et Bertrand Barrère de Vieuzac, théoriciens forcenés de l’extermination linguistique, ont été portés au rang d’icônes nationales. Et encore, seuls trois articles sur dix proposés par Paul Molac ont-ils été adoptés, celui notamment reconnaissant officiellement l’enseignement par immersion ayant été rejeté. On peut regretter que seuls 7 députés bretons sur une trentaine, aient été présents dans l’hémicycle ce 13 février pour soutenir l’initiative du député du Morbihan. On peut regretter l’absence de M. De Rugy, pourtant officiellement favorable à la réunification et aux langues « régionales ». Et du côté des ministres, on regrettera aussi sans aucun doute l’absence d’un Jean-Yves le Drian, qui aurait pu répondre à Jean-Michel Blanquer, qui, ce soir-là, avait endossé allègrement la soutane de l’abbé Grégoire par dessus le costume de Barrère de Vieuzac. Car dans l’hémicycle d’une assemblée qui se veut nationale, le ministre de l’éducation a montré le visage le plus obtus du sectarisme, de la haine et pour tout dire de l’idéologie crypto-fasciste d’un État qui, à l’aube du XXIème siècle, ne veut toujours, comme au bon temps des «bataillons scolaires», voir qu’une seule tête et n’entendre qu’une seule langue.
A Paul Molac qui constatait, fort justement qu’« on ne peut pas dire que, dans notre Histoire, les relations entre les langues régionales et l’État ont toujours été fluides, surtout à partir de la Révolution », M. Blanquer, en digne hussard de leur République a reproché sur un ton cassant sa « critique de la République et de la Révolution ». La loi du 20 juillet 1794 qui interdit aux fonctionnaires de l’État d’utiliser des langues régionales dans le cadre de leur travail est sans doute une invention de Paul Molac, tout comme la loi du Ier octobre 1793 portant sur l’extermination physique de toute la population d’une Vendée militaire qui comprenait aussi une bonne partie de la Bretagne. Monsieur Blanquer fait aussi partie, bien évidemment, de la secte des adorateurs d’un Mirabeau qui tonitruait à l’Assemblée Nationale : « Vous êtes Bretons ? Les Français commandent. » Ce qui est grave, c’est qu’alors que tous les voisins et partenaires de la France, de l’Italie à la Belgique en passant par l’Espagne ou le Royaume Uni, ont fait d’énormes progrès en matière de respect des minorités linguistiques, les caciques du pays des Droits de l’Homme continuent à se raidir dans une posture d’un autre âge. Ce qui est grave, c’est que les mêmes, après avoir affirmé haut et fort qu’il n’existe pas, qu’il ne peut exister de délit de blasphème vis à vis des religions, surtout Islam et catholicisme d’ailleurs, sont en train de sacraliser l’État et d’inventer un délit de blasphème encore plus flétrissant vis à vis de leur sacralité propre, c’est à dire de LA république et de son mythe fondateur LA Révolution.
Ce qui est grave, c’est que le même ministre Blanquer n’a pas eu honte de reprocher à Paul Molac de mener un «combat d’arrière-garde », à l’heure où l’on parle à tous propos et à juste titre de respect de la biodiversité et où tous ceux qui réfléchissent un tant soit peu savent bien que la diversité linguistique fait intrinsèquement partie de la biodiversité.
Oui, M. Blanquer incarne le hideux visage d’un banal fascisme à la française, qui, avec la meilleure conscience du monde, applique avec constance, bêtise et arrogance, vis à vis des minorités nationales, le même programme que celui de Mussolini ou de Franco.
Lors de l’interdiction, sous le ministère du Petit Père Combes, du prêche et du catéchisme en breton, en 1902, des paysans léonards, pourtant jusque là placides et soumis, avaient adressé au ministère une pétition dans laquelle ils disaient que si on ne respectait pas leur langue, ils ne voulaient plus être français. L’attitude arrogante de M. Blanquer et de ses semblables devrait logiquement inspirer le même type de démarches aux Bretons. Un autre Finistérien -et non des moindres, Jean-Yves Cozan- disait au micro de RBI que «la situation faite par l’État français au peuple breton appelle la violence. » Il avait raison.
Mais attendons de voir quel sort le Sénat réservera à la belle proposition de loi de Paul Molac et de quelle misérable souris, ces prestidigitateurs du pire feront accoucher à cette audacieuse montagne…
Breizh da Zont - L'Avenir de la Bretagne
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Revue bimestrielle