Le mot « autonomie » n’est plus tabou !

 Pennad stur gant Thierry Jigourel

 

           Depuis l’automne 2021 et la révolte des Guadeloupéens contre le diktat «sanitaire» imposé par Paris, le mot «autonomie» jusque-là tabou lorsqu’il était juxtaposé à «régionale» est lâché par le gouvernement français lui-même. Il fut, de nouveau prononcé pour calmer la colère des Corses provoquée par l’assassinat d’Yvan Colonna. Depuis, les Bretons s’en sont largement emparés, réclamant pour eux aussi un statut de devolution, qui nous rapprocherait des droits de nos cousins gallois ou écossais.

          Les pays européens, les grandes démocraties de la planète sont depuis longtemps fédéraux. Ceux et celles qui ne le sont pas sont sur le chemin. L’Allemagne est fédérale depuis la constitution de 1949, l’Italie est un Etat décentralisé qui a accordé de larges statuts d’autonomie à cinq régions périphériques, dont le Val d’Aoste et le Süd-Tirol que les Français appellent le Trentin-Haut Adige. Ce faisant, ces pays ont tourné le dos à un héritage dans lequel autoritarisme, voire totalitarisme, se confondait avec centralisme. Et pour cause. Hitler est mort en 1945, comme Mussolini. Franco a tiré sa révérence en 1975. Deux ans avant que ne fussent accordés des statuts d’autonomie notamment aux Catalans et aux Basques qui les réclamaient depuis leur suppression par le Caudillo à la veille de la seconde guerre mondiale. D’autres Etats ont connu plus récemment cette évolution démocratique. C’est le cas d’un Royaume, pour l’instant encore uni, qui vient de perdre une souveraine que tout le monde s’accorde à considérer comme le ciment de ses diverses parties. L’Ecosse choisira-t-elle bientôt de voler de ses propres ailes ? Suivie peut-être par le Pays de Galles ?  L’Irlande du Nord profitera-telle du Brexit et de la mort d’Elizabeth II pour rejoindre la République ? Toujours est-il que le Royaume Uni accepte lui aussi les autonomies à la carte pour ses nations celtiques, reconnues d’ailleurs comme telles par Londres.

            En Europe il n’y a donc plus qu’un seul pays qui rame avec courage, détermination et opiniâtreté à contre sens de l’Histoire, qui recentralise le pouvoir dans le temps même où tous les autres le décentralisent, la France. Pourtant, l’incapacité de l’Etat à assurer ses principales fonctions régaliennes, le fossé de plus en plus grand qui sépare les prélèvements obligatoires extravagants et les résultats obtenus interrogent les observateurs perspicaces sur la raison d’être de la centralisation et même sur celle d’un Etat qui a failli dans toutes ses missions, en dehors de la répression des mouvements populaires de type Gilets Jaunes, Bonnets Rouges ou mouvements contre les lois liberticides. Les peuples colonisés, bien que parfois victimes d’un syndrome de Stockholm collectif - celui qui pousse les victimes à prendre le parti de leur bourreau contre ceux qui veulent les affranchir- commencent eux-mêmes à se réveiller. A tel point que le gouvernement français a ouvert, au cours de l’hiver dernier ce que les gardiens des tables du temple jacobin qualifient, sans doute à raison de « boîte de Pandore ».

           Le mot «autonomie» a donc enfin été lâché en novembre passé, lorsque la population de la Guadeloupe a refusé les diktats soi-disant « sanitaires » imposés par Paris sous l’injonction des multinationales MacKinsey, Pfizer and co, pour le seul intérêt du milliardaire Albert Bourlat et de ses affidés. Il est évident, en effet, que la santé devrait relever du domaine de compétence législative d’une région autonome ou d’un Etat fédéré plutôt que de celle du pouvoir central et de son bras armé, le préfet. La « boîte de Pandore » s’est rouverte, en mai dernier, lors de l’assassinat – probablement sur ordre de l’Etat français - du militant nationaliste Brito-corse Yvan Colonna. Pour calmer la légitime colère de la jeunesse insulaire, Gérald Darmanin a lâché un mot qui, associé à « personne », « établissement » ou « énergie » apparaît comme légitimement positif et curieusement, juxtaposé à « régionale » devient subitement… négatif. En mai dernier, le Conseil Régional de Bretagne, à l’unanimité des voix, moins celles du groupe R.N., a émis un vœu réclamant clairement pour les Bretons, les libertés que le gouvernement français a évoquées pour les Corses.

 La chute d’un tabou

            Depuis, l’idée fait son chemin, dans une atmosphère où le mot d’autonomie lié à la Bretagne semble avoir perdu une bonne partie de sa charge émotionnelle et de sa valeur de repoussoir imposée depuis belle lurette par les autorités. Hormis le fait que le Conseil Régional a rompu un silence qui régnait depuis deux cent trente ans sur le sujet – le dernier discours du représentant d’une institution bretonne officielle tendant à défendre cette autonomie émanait, en 1791 du procureur syndic des Etats de Bretagne, M. de Botherel - la société bretonne s’empare du thème avec une attitude heureusement décomplexée. Plusieurs rencontres entre organisations politiques et associations culturelles, au-delà des clivages de droite et de gauche, ayant eu lieu à la mairie de Carhaix et abouti à la création d’une plate-forme intitulée Pour une Bretagne autonome, une réunion publique ayant eu lieu dans la même ville le 27 août dernier sur le même thème, des interviews et des tribunes dans la presse quotidienne d’élus du groupe autonomiste Breizh a gleiz, au Conseil Régional, notamment celle de Christian Guyonvarc’h suivie de celle d’Aziliz Gouez, ont donné force et lisibilité à l’idée même d’autonomie. Les deux Conseillers régionaux défendent clairement l’idée d’une autonomie régionale c’est à dire d’une dévolution des compétences réglementaires et législatives dans nombre de domaines, en conservant les pouvoirs régaliens à l’Etat central. On comprend mal en revanche pourquoi Aziliz Gouez reproche au député Paul Molac de réclamer « plus de Bretagne et moins de Paris », ce qui correspond au souhait de la majorité des Bretons. Christian Guyonvarc’h, au terme d’un article clair et courageux, après avoir fort justement rappelé que la situation de la France est « unique en Europe de l’Ouest » et que l’Ecosse, l’Irlande du Nord et le pays de Galles jouissent depuis longtemps de statuts d’autonomie différenciés, ajoute qu’une devolution des compétences confisquées par Paris vers certaines régions autonomes « contribuera à vitaliser la démocratie française ». Ce qui est une évidence. On pourrait dire aussi que l’objectif, les buts et les intérêts des Bretons sont sans doute plus de se libérer que de vitaliser la démocratie d’un Etat à bout de souffle qui les colonise. Mais c’est une autre histoire.

           L’ancien conseiller de l’Elysée Bernard Poignant, qui confond unité et uniformité, s’est cru obligé de prendre la plume pour entrer dans le débat, en exprimant l’idée que les Bretons sont plus « régionalistes » qu’«autonomistes ». Le débat, selon lui, sur l’autonomie, ne fut pas au cœur des dernières élections régionales. Possible. Mais jamais les revendications de l’Emsav n’ont été aussi visibles, et reprises par les diverses listes. Le débat sur le réchauffement climatique ne fut pas non plus au centre des débats pour les élections législatives françaises. Et EELV n’a eu qu’une vingtaine de députés sur plus de cinq cents. Pourtant, le gouvernement Macron élaborera des propositions de lois environnementalistes, et l’Assemblée Nationale des projets de lois allant dans le même sens. Le débat sur l’autonomie régionale n’est pas, et heureusement, la chasse gardée des mouvements autonomistes. Le consensus autour de l’idée de devolution rassemble bien au-delà de l’Emsav, puisque tous les sondages qui se suivent depuis des décennies établissent qu’une majorité de Bretons souhaitent soit l’indépendance, soit l’autonomie et que seule une minorité se satisfait de la situation actuelle.

 Un colloque sur l’autonomie

     Alors qu’une commission du Conseil Régional travaille sur les contours d’un projet d’autonomie pour la Bretagne et à quelques semaines d’un colloque organisé sur le même thème à Carhaix le 19 novembre prochain par Bretagne Majeure, l’idée progresse au sein du peuple breton. Le problème, comme toujours, ne vient pas des Bretons, ni des Corses ou des Guadeloupéens, mais du gouvernement français dont on connaît la propension aux manipulations. Que vaut la parole d’un Darmanin ? Que vaut celle d’un Macron qui n’a cessé de pratiquer avec talent et machiavélisme l’art de la duperie, de la rouerie et de la duplicité, qui ment avec la maestria et le savoir-faire d’un arracheur de dents ?

     Les Bretons, comme les autres peuples colonisés de l’Hexagone doivent savoir que la route qui mène à la liberté et à la dignité sera encore longue, semée d’embuches et de chausse-trappes. Car l’Etat français n’a jamais cédé que devant la force et n’a pour les droits des peuples que le plus souverain mépris.



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